Philippines – Mai 2023 – Deuxième partie : Panglao
Le trajet Padre Burgos – Panglao/Alona beach dure toute une journée passée langoureusement, allongé dans un canapé de l’espace VIP du ferry ou le cul calé dans un siège de bagnole. Pas de quoi dépenser 1000 calories/jour dans une sorte de coma du transport, on passe de l’isolement complet de Sogod bay à la ruche d’Alona, bourdonnante de nippons fripons puis de coréens coquins.
Comme je l’avais expliqué, c’est la fin de la
golden week, qui -contrairement à ce qu’on pourrait penser- n’est pas une période dorée comme une envie de pisser mais une semaine de l’année à se presser sur un bateau palme contre palme avec des plongeurs en vacances, si jaunes mais déjà ponais.
En conséquence à Moins de 4.000 km de Tokyo, tous les hôtels sont pleins, les restaus sont pleins, les centres sont pleins, ma coupe est pleine mais Philippine Fun Divers que j’ai averti de mon arrivée depuis Sogod Bay a réussi à me dégoter plusieurs créneaux sur Balicasag ainsi qu’un guide privé. L’organisation allemande à l’œuvre, ça fait plaisir quand on sort du bordel ambiant : PFD c’est impressionnant, tu peux leur envoyer un mail à ni’mporte quelle heure de la journée, tu as une réponse dans les deux heures. Sur leur site web, Holger le proprio donne son propre numéro de mobile contactable 7/24.
Surprise je revois Alvin, mon guide de toujours fraichement débarqué de Sea Explorers l’un des plus vieux centres d’Alona mais qui a fermé ses portes avec le COVID, je demande donc à ce qu’il me soit affecté pendant les jours qui suivent, là il est en main avec un groupe de japs.
Le premier jour j’aurais droit à un instructeur philippin qui a un peu bourlingué et travaillé dans pas mal de centres que j’ai fréquentés dans les Visayas. On discute ragots sur des individus particuliers, guides ou managers qu’on a rencontrés dans les centres de plongée, on parle bien des mêmes choses.
C'est Balicasag prévu par PFD le premier jour : arrivé tôt le matin pour monter mon appareil, j’ai le temps de lire la liste des inscrits sur la journée, j'aurais jamais vu autant de patronymes japonais. La co-responsable du centre, elle aussi japonaise, acquiesce : elle non plus n'avait jamais connu ça, cette année touristique est unique.
Notre grande bangka chargée de 12 plongeurs (ils ont dû en faire sortir une autre supplémentaire, même un peu plus grande que la nôtre et totalement dédiée à une quinzaine de japs) est également bondée de nippons caricaturalement souriants et polis. Dès leurs plongées terminées, ils se ruent sur d’odorants sachets de calmars séchés préalablement achetés sur la plage. Ça n’a pas l’air ragoutant, pourtant ils en engloutissent les morceaux avec des grands bruits de succion. En dehors de ce petit peuple courtois et discipliné, Il y a quelques intrus non-japonisants dont moi et mon guide, également 3 hongkongais fanfarons et arrogants qui font tache. L’un d’eux a rapporté avec lui un scooter sous-marin, il exhibe fièrement une redondance de matériel -tout est taggé à son nom- digne d’un spéléologue ainsi qu'un t-shirt vantant sa contribution au sauvetage de la planète, ce qui pense t-il probablement, le dédouane de l’utilisation de tant de matériel superflu. Bref, il s’aime comme un fou et doit être la seule personne à s’admirer, hormis les deux bénis oui-oui de sa bande.
A la première plongée j’ai oublié de vérifier le fonctionnement des flashes, naturellement j’ai aussi oublié de connecter le convertisseur, donc ça ne fonctionne pas sous l’eau… je prie pour qu’on ne rencontre pas le banc de carangues qui fait la réputation de Balicasag... la plongée est sympa, ouf on n’a pas croisé la moindre carangue, par contre en surface nos boatmen nous indiquent qu’il y avait un requin baleine qui glandait 100m juste derrière nous et que nous sommes partis du mauvais côté… Quand ça veut pas, ça veut pas… le guide Philippin s’excuse même si je l’assure que non c’est en fait une bonne chose. Il veut sa revanche pour la deuxième plongée.
J’ai réouvert le caisson, vérifié les flashes, je suis prêt pour la deuxième plongée et le banc de carangues. En se renseignant avec les autres bateaux, le guide choisit une stratégie individuelle à contre-courant, on saute et au bout de 50m de palmage dur Black Forest et une descente frénétique, on en récolte tout l'avantage : on tombe direct sur le banc de carangues dans le bleu un peu profond.
Chouette ! on pense être les seuls... mais les hongkongais ont été alertés, l’abruti en scooter fonce plein gaz comme un vrai connard au milieu du banc de carangue, jamais vu un trouduc’ pareil, on dirait qu’il prend son pied à faire fuir et puis à suivre le banc qui évidemment s’évapore dans le bleu.
Notre chance est que comme tout bas du front, son niveau de concentration diminue après 30 secondes de jeu, il se barre aussi prestement qu'un pet sur une toile cirée.
J’en suis déjà à formuler dans ma tête les insultes qu’il va récolter à la remontée, je vais le faire exclure du bateau voire du centre. En m’extrayant de mes pensées sombres, le guide me fait signe de m’abriter près de la pente et d’attendre, on est quand même à plus de 30m avec le courant qui s’est levé.
On attend 3-4 minutes et la Mer Bleue s’ouvre pour laisser passer cette fois 2 bancs de carangues qui se rejoignent pour en constituer un plus grand. Ouéééé… bien profond dans l’cul, le connard hongkongais au scooter, le guide ma fait signe que j’ai 10 minutes de no deco pour m’amuser tout seul avec le banc et avec un petit courant descendant vicelard qui m’amène vers les 40m.
On est donc parti pour un festin photographique de carangues pour la première journée, je vois nettement la différence "d'accroche" du point sur les bancs malgré un objo aussi lent que le Tokina 10-17, plus de patinage, c'est un jeu d'enfant. Je termine mon bloc heureux.
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Les 3 jours suivants je retrouve Alvin pour un peu de macro sur les sites locaux d’Alona ou de l’autre côté de Panglao. Clairement les sites ont morflé depuis 4-5 ans, beaucoup moins de corail qu’avant et l’eau est très chaude, c’est la première fois que le centre revient sur Doljo depuis le COVID et l’absence de touristes, il y a très peu de poissecaille.
On s’y emmerde un peu, du coup j’ai le temps de m’arrêter dans les hauts fonds à 31°C pour faire des portraits plus banals de poissons communs ou de jouer avec l’AF du RF-100 qui rend le suivi trop facile, autour c’est du bouillon de culture réchauffé par La Nina, les anémones blanchissent et la multitude de méduses fait que j’ai l’impression de tremper dans un bain d’eau de javel…
AB5 Clown
AB6 Re-clown et anémone blanchies
[
AB7 portrait de demoiselle à la volée, un truc que je n’arrivais pas à faire avec l’AF mollasson de mon reflex.
Du côté terrestre les japonais sont repartis métro-boulot-Tokyo après leur interminable vacances de 5 jours, ces fainéants, ils ont laissé place nette à des hordes de coréens. Pas étonnant vu que le nouvel aéroport de Panglao propose 3 vols départ Corée par jour.
Faut que je vous raconte les coréens, sortes de japonais de manga porno sous cocktail Red Bull/cocaïne. C’est quand même une distraction et on est aux premières loges. Les filles dans la piscine font la queue pour faire des « photos de cul en canard ». A partir de 17 ans, elles se prennent un package chirurgie esthétique « lèvres+cul», elles font la queue devant l’échelle de la piscine pour que leur copine les photographie en maillot bleu canard, de dos le cul cambré comme un canard, la tête tournée vers l’objectif du dernier Samsung avec une moue de canard et font avec un geste de palme de canard avec la paume de la main, signifiant qu’elles pouffent, ces pouffes. C’est incroyable elles font TOUTES la même pose. Les mecs eux, ils sont dans un trip acteur de série B «Plus belle la vie» ou « Le miel et les abeilles», coupe de cheveux des années 80 avec mèche peroxydée rouquemoute et teeshirt à décolleté large. Il doit y avoir un Bernard Minet revival à Seoul.
L’avant dernier jour c’est pleine lune et on programme un retour sur Balicasag avec un courant monstrueux, anticipe t-on la veille au vu de l’énorme lune rouge qui illumine la scène alonienne sous les sempiternels accords de « Still Loving You » ou de « Sister Golden Hair».
Les boatmen nous souhaitent bon courage, Alvin et moi au moment de sauter à l’eau, d’autant que la marée est ultra haute. Et là… bin … c’est l’étal… zilch zéro courant, nada… mais une visibilité de dingue et on aperçoit de la poissecaille partout, on doit pousser pour avancer. Jamais vu autant d’activité sur Balicasag, tout le monde s’est regroupé en bancs là des carangues et plus loin les barracudas, des bancs de maquereaux passent la gueule ouverte, les snappers à bandes sont aussi bien regroupés, plus haut sur le récif on dirait même qu’il y a encore plus d’anthias. On attendra encore le courant sur la deuxième plongée, il nous posera encore un lapin mais les carangues étaient toujours là. Bref une magnifique journée et certainement les meilleures plongées que j’ai jamais eues sur Balicasag.
AB8 Encore des carangues
AB9 Plongeur et carangues
AB10 Passage de maquereaux
AB11 Barracudas
AB12
AB13 Explosion d’anthias
Le courant on le rencontrera le lendemain Les dernières plongées sont effectuées le long du tombant d’Alona : la première plongée nous permet d’aller revoir la spécialité macro de Panglao, le nudibranche Okania Nakamotoensis, cette fois-ci par grappe de 6 à 10 spécimens dans chaque cave où il se montre, il y a un autre plongeur et son guide avec moi, il a une Gopro et espère autre chose que quelques nudis, pendant que je fais mon affaire le nez dans la fraicheur des cavités, ils sont partis un peu plus dans le bleu… oh pas très loin… sur le bateau, il me montre fièrement la vidéo d’un requin baleine prise 10 minutes plus tôt… bon décidément, ceux-là je les aurais loupés dans toutes les largeurs lors de ce séjour.
Moi, j’ai juste mes jouets rouges.
AB14 Okenia Nakamotoensis
AB15 Okenia Kondoi, c’est différent du précédent mais ça partage son habitat : ça n’intéresse que moi mais dites tout de suite que vous n’en avez rien à foutre, hein… vous préfèreriez un requin baleine peut-être...
D’autant que la deuxième et dernière plongée est impraticable, un courant dément s’est levé, on doit passer 15 minutes derrière une patate et rien qu’en levant l’index je manque de me le faire arracher de la main. On décide à se larguer prématurément de notre abri et on finit le pallier très loin dans le bleu. Ça sent la fin de séjour.
Hormis ce que j’ai loupé, les plongées à Balicasag étaient exceptionnelles. Je persiste à croire que malgré le peuple, en dépit du va et vient aérien depuis la Corée, nonobstant la frénésie de construction hôtelière ou de restaurants, Alona demeure l’un des spots les plus attractifs des Philippines en ce qui concerne les plongées grand angle.
Le combo Alona-Dauin pour un séjour de deux semaines permet de varier les plaisirs du point de vue photo sous-marine, je le recommande sans réserve.