L'origine de la Muck
Posté : 20 avr. 2017, 13:12
L'origine.
Cette année était l’année ou jamais : L’année où le PSG serait enfin victorieux du Barça? L’année non fiscalisée avant le prélèvement à la source? L’année du coq de feu? l’année des présidentielles en bois? L’année des casseroles politiciennes en fer blanc? L’année du Donald en carton?
Non bien plus que ça! Cette année qui sent l’eau de mer c’est pour moi celle de la Papouasie Nouvelle-Guinée.
J’avais banalisé mon voyage des cinquante balais, loupant à la fois Triton bay et Raja Ampat, l’un pas franchement ouvert à son époque l’autre étant devenu presque surpeuplé... donc deux ans plus tard, je me suis dit qu’il était temps de repousser un peu les frontières et voir du côté Est du triangle de corail si celui était aussi prolifique que son versant Ouest.
Justement : plusieurs fois un nom avait résonné à mes oreilles, les australiens des forums anglo-saxons, un de mes potes Alan, un amerloque globe-trotter pas trumpesque pour un sou qui m’avait dit que je DEVAIS y aller, la grande histoire de l’origine de la Muck tout concordait pour m’aspirer vers .. ta-daaa.. MILNE BAY.
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Hein, quoi, kékiladit le monsieur??? .... céoustruc ???? ...
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Alors géographiquement Milne bay, c’est la pointe tout à l’Est de la Papouasie Nouvelle Guinée et en même temps l’extrême orient du Triangle de Corail : plus loin c’est la mer de Corail qui prend le relais, et ça ne nous regarde plus… La grande houle du Pacifique, les vestiges de la seconde guerre mondiale à perte de vue, bref une autre histoire où l’on ne parle plus que de gros machins : requins balèzes ou porte- avions magistraux coulés par grands fonds dans des combats titanesques avec des croiseurs géants.
Moi je cherche encore la dentelle des coraux, la délicatesse des bestioles colorées, la subtilité des arrières plans.. et de la muck aussi si vous avez suivi.
Que je vous raconte....
Un peu au Nord de Milne bay vers Tawali , c’est là où tout a débuté il y a 30 ans. Un certain Bob Halstead, australien pas bourrin et organisateur de plongées en a eu marre de tous ces fonds coralliens où le mollusque se fait rare, de ces milliards de poissons dont le va et vient sisyphéen mesmérisent le subconscient du plongeur.
En conchyophile averti, Bob Halstead sait que les bestioles lentes et tapies -les mollusques en particulier- recherchent le mou, aiment le décati, favorisent le déliquescent, méprisent les eaux translucides. Il arrête un jour son bateau de croisière sur une plage de sable noir, ses plongeurs gavés de coraux durs encore hallucinés par le ballet scintillant des purple queens se demandent si le bateau n’est pas en panne.
C’est presque une mutinerie quand il leur demande de se mettre à l’eau en leur affirmant que c’est bien ici le site de plongée qu’il a appelé Dinah’s Beach, du nom de sa femme, et qu’ils y découvriraient des bestioles qu’ils n’auront jamais aperçues auparavant.
Il raconte alors que la raison pour laquelle certains plongeurs ont refait surface en premier c’était pour recharger leur pellicule et changer de bloc pour y repartir!!!
La muckdive était née sur Dinah’s beach, qui a maintenant repris le nom local de Lawadi.
Milne bay est bien une destination pour moi. L’origine de la muck, l'origine du Monde en gros quoi... (avec mes excuses pour Gustave C. et ses ayants droit.).
Parlez-moi de transports…
En attendant la téléportation, la PNG faut y aller et donner de son corps. De son portefeuille aussi : AirNiugini qui ne va nulle part est considérée comme la compagnie la plus chère au monde si l’on considère ses distances de vol, interdisant ainsi l’accès du Graal sauf à une élite.
C’est une pub spammée sur ma boite aux lettres relatant l’ouverture de la ligne Manille-Port Moresby par Philippines Airlines à des prix presque « humains » qui m’a mis sur -et ouvert- la voie. La PNG devenait soudain accessible!
Après question endurance physique, il faut à la fois calculer son coup et s’entrainer.
D’abord choisir un itinéraire cohérent ; par exemple Paris-HongKong-Manille, puis Manille-Port Moresby si possible en se reposant une nuit soit à HongKong soit à Manille. Et puis le saut de puce vers Milne bay, c'est une formalité aéronautique locale de 45 minutes.
ça donne ça sur une carte. L’entrainement c’est de penser très fort à la business class et de voler en business en A/R sur le plus long segment à savoir Paris-HongKong, le foie gras et le champagne ont un effet bénéfique sur le repos du plongeur, à moins que ce ne soit l’impact des fauteuils allongés à 180° avec visionnage de « Lalaland » .
Pareil pour le Manila Hotel, un vestige de l’hotellerie de palace colonial comme on savait la faire au début du XXe siècle, avec ballroom boisée, lustres lustrés et larbins encostumassés.
Un bon « arrêt buffet » comme on disait dans les guides Bleu, histoire de reprendre de la civilisation avant l’autre saut de nuit vers la PNG et son vol de 6h.
Une fois que l’on est arrivé à Port Moresby, que les locaux appellent Mo’sby et moi aussi d’ailleurs par économie de touches sur mon clavier, on n’est pas encore arrivé à destination...
Mo’sby traine la réputation d’être le coupe gorge du Pacifique.
D’un côté ce n’est pas faux, en raison des bandes de raskols (rascals, bandits en pidgin) shootés au mandrax ou à la résine qui volent, pillent, truandent à toute heure du jour surtout de la nuit, quelquefois enlèvent les expats surnuméraires travaillant pour les richissimes exploitations de gaz, de nickel, de cuivre et d’or (dont par exemple Ok Tedi l’une des plus grosses mines au monde, possédant sa propre compagnie aérienne ), bref de toute commodité cotée en bourse dont le sous-sol de la PNG est empli. Il faut ajouter à cela que les prix semblent indexés sur le profits des compagnies minières… la moindre chambre d’hôtel de Mo’sby est à 200-250 euros.
De l’autre coté comme nous disait Andrew notre chauffeur, Mo’sby est aussi la ville la plus paranoïaque au monde, principalement à cause de médias qui colportent des rumeurs d’insécurité lorsqu’il n’y en a pas (eux aussi ont leur JP Pernaut local !) et surtout des recommandations des assurances des exploitations minières qui interdisent à leur salarié de se balader autrement que pour le travail et dans un véhicule blindé, de ne pas rester dans un hôtel qui ne soit gardé à l’entrée par un service de sécurité lourdement armé, genre gilet pare-balle et fusil mitrailleur de rigueur.
Donc forcément quand vous voyez 6 gus armés comme un petit porte avion nucléaire qui vous font un salut militaire quand vous passez le porche (repos, les gars…) vous vous dites qu’il n’y pas de DCA sans bombardement au napalm ou autre allégorie militaire. Bref Mo’sby, sauf pour les prix c’est pas G’nève.
Tout le monde conseille de rester dans un hotel près de l’aéroport hors du downtown qui d’ailleurs n’a rien d’une ville, bric à brac de bâtiments administratifs étalés au long de grandes artères au long desquels s’entrelacent pelouses, hangars et terrains vierges, le port est de la même veine, de loin une espèce de Manhattan tropical, rêve immobilier de compagnies d’assurances, en plus bas de plafond en moins architecturé que l’original.
Il n’y a que la « parliament haus » qui vaut le détour côté originalité architecturale, l'assemblée nationale avec un fronton aux couleurs tribales.
En dehors de ça et de l'achat de quelques bilums (des sacs à main locaux brodés, histoire de ramener quelques cadeaux), pas de photos de Mos'by, c'est la saison des pluies, y fait gris l'après midi, y fait moite et ça tombe.
Bizarrement c’est le quartier aéré de l’aéroport qui donne la meilleure vue sur l’arrière-pays, montagneux, jungleux, brumeux, denseux, moiteux. L’hôtel Airways est un vrai bonheur (bien que le bonheur ait un prix de 280€/nuit), avec ses lounges ou les pique assiettes comme nous viennent dévaster les buffets gratuits afterlunch, Tea time et Martini hour (Ne rien foutre donne faim, avez-vous remarqué ?), juste le temps de se rendre au gastro le soir pour constater que bizarrement le restaurant offre à fraction des prix français des langoustes et toutes les entrecôtes ultra persillées Wagyu ou Master Kobe beef que l’on produit en Australie
La particularité de l’hotel c’est qu’il a récupéré un vieux Dakota DC3 qu’il a disposé dans son enceinte comme emblème et dont il a récupéré les pièces pour en faire des fauteuils ou sofas aussi design que terriblement inconfortables…
Le petit déj’ au-dessus des pistes et de la brume du matin est une vision d’Eden. « J’aime l’odeur du napalm au petit matin » disait le Robert Duvall dans Apocalypse Now. Sauf qu’on a ici que les avions et la milice à l’entrée de l’hotel, pas de napalm, les vietcongs étant partis se coucher ou se recoiffer les dreadlocks en fumant un oinje.
Sachant que l’avion est le moyen de transport quasiment exclusif dans un pays qui ne possède presque aucune infrastructure routière (pour cause, imaginez les Alpes ou les Pyrénées recouvertes de jungle) l’aéroport domestique donne un condensé des résidents. Papous pieds nus trimballant dans de grands sacs chinois ficelés leur récolte de la semaine d'ignames de choux ou d'autres légumes assez (désagréablement) odorants à vendre au marché de Mos'by, des Expats à rayban, chaussures de chantier et badge magnétiques se rendant sur les mines et aussi des branleurs à dreadlocks dans leur phase pré-raskol. Le tout papua, quoi.
En dehors de ça, AirNiugini traine une sale réputation de compagnie à horaires variables, que pour le coup je trouvais très largement usurpée (au contraire des autres passagers dont vols étaient affichés avec plusieurs heures de retard : juste un conseil prenez vos précautions avant l’aéroport car la vue du contenu des toilettes donnerait immédiatement envie de vomir, mais plutôt à côté de la bassine pour des raisons d’hygiène. On parle souvent de l’apreté des légendaires toilettes de Sorong, mais à côté de Port Moresby, c’est une clinique suisse… )
Une fois arrivés sur place à Gurney, le très provincial aéroport de Milne Bay plombé par le soleil équatorial et passé les habituels retards du transfert sous couvert d’un prétexte bidon (mais on nous avait prévenus : le minibus a crevé en route, la voisine ne retrouvait plus ses lunettes, mon petit frère a avalé son bol de céréales de travers…), l’heure et demie de roue cahotique puis un transfert de 30 minutes en bateau la fin du voyage est en vue.
Le Tawali resort est (enfin) devant nos yeux. Après 3 jours quand même...
Pour la suite, bin faudra qu'on se mette à l'eau...