- Tu pars ou pour ton prochain voyage?
- Aux Lofoten, je vais me faire les orques.
- What???? J’en rêve depuis des années.
- Je pars mercredi si cela te tente!
- Mais oui, absolument…
Six jours plus tard je débarque à Andenes, de nuit et en pleine tempête de neige. Je n’ai pas la moindre idée de ce à quoi je dois m’attendre, sur et sous l’eau. Greg m'a juste dit de prendre des sous-vêtements très chaud… et que les conditions pour faire des images sont on ne peut plus difficiles.
Il n’a pas tort le bougre.
En Norvège depuis 5 jours, je suis aux anges autant que je suis frustré.
Jour 1: Malgré la tempête de neige et une température avoisinant les -10°c, nous embarquons sur notre zodiac équipés de vêtements étanches et de sous-vêtements chauds, très chauds. La mer est démontée, la visibilité réduite… pas le moindre orque ou baleine à l’horizon. Nous sommes mort de froid à chercher pendant 3 heures dans la tempête. On finit par rentrer bredouille.
Jour 2: La météo se fait plus clémente, et le ciel moins couvert. Les montagne qui entourent le fjord se parent d’un rose orangé. C’est magnifique. Le thermomètre à lui décider de frôler les -14°c. Nos doigts et nos pieds sont gelés à force de sillonner les eaux du fjord ou le vent souffle toujours. Notre patience est finalement récompensée et nous voyons croiser au loin les orques et les baleines. Ils ne se laissent pas approcher. Ils sont à la recherche de nourriture et ils nagent vite. Je fais bien 3 ou 4 tentatives de mise à l’eau mais ce n’est pas fructueux. L’eau est à peu près claire mais très sombre, vraiment très sombre. A cette période de l’année, le soleil n’est pas encore passé au dessus des montagnes et le jour ne dure pas plus de 3 heures à ces latitudes. Il n’y a pas ou peu de lumière dans l’eau. Les rencontres sont furtives, seulement quelques dizaines de secondes pour apercevoir un groupe d’orques ou une baleine passer à une dizaine de mètres de moi. Il est impossible de se lancer à leur poursuite ou de tenter de les approcher équipé d’une combinaison étanche, des mes palmes et d’une ceinture de plomb. Ma combinaison de location a aussi décidé de faire des siennes… elle prend l’eau. Au contact de l’eau qui est à 3°c, je suis transformé en esquimau glacé en quelques secondes. Le reste de la sortie est un supplice et je n’ai toujours pas rapporté la moindre image exploitable. Les quelques photos prises sont floues, sombres, les sujets loins.
Jour 3: La température est remontée, le vent est tombé, le ciel s’est dégagé et le soleil a enfin décidé de faire une apparition derrière les sommets enneigés qui entourent le fjord. Les orques sont aussi présents et nagent par petits groupes de 3 à 10 individus. Se laissant approcher plus facilement par notre bateau, je me glisse dans l’eau à 4 ou 5 occasions. Les rencontres sont toujours furtives et les orques ne font que de brefs passages d’une trentaine de secondes tout au plus. Rencontres magnifiques avec ces géants des mers qui mesurent jusqu’à 9 mètres. La moisson photographique est certes meilleure, mais rien de bien excitant. Tout au plus une seule image exploitable.
On profite du ciel dégagé pour louer une voiture et explorer les environs d’Andenes. Il est 14:30, il fait déjà nuit mais la lune montante nous permet de distinguer l’environnement extérieur. La thermomètre plonge à nouveau sous les 15°c lorsque les aurores boréales font une brève apparition tard dans la nuit.
Jour 4: Le ciel est à nouveau plombé. Les orques sont en chasse juste à une centaine de mètres du port. Ils poussent les bancs de harengs vers la côte pour s’en nourrir plus facilement. C’est l’occasion ou jamais de faire des images. Je me glisse le long du zodiac dans une eau relativement claire. Je peux voir le fond de sable dix mètres plus bas. Alors que le banc de harengs se dirige vers moi poussé par un groupe d’orques et des baleines à bosse, je ressens une morsure froide dans le dos. Mon étanche n’est pas étanche et se remplie à toute vitesse. Je grelotte dans l’eau en attendant une rencontre magique avec ces géants des mers. Je suis récompensé par le passage devant mon masque de deux orques et de deux baleines. Je tente de les prendre en image poussant mon appareil dans ses retranchements, la lumière manque. Je ne pourrai faire que deux mises à l’eau. Je suis gelé et je n’ai qu’une seule hâte, rentrer au port pour me réchauffer et découvrir ce qui au dos de l’appareil semble incroyable. Le ciel se couvre alors que nous sommes toujours en mer et de gros flocons se mettent à tomber. Arrivé à l’hotel je me dépêche de télécharger mes photos après une très longue douche froide… la frustration et la colère me gagnent. Rien n’est exploitable, tout est granuleux, sombre, seuls quelques éléments des images sont nets. Difficile de faire quoi que ce soit dans l’eau avec ces paramètres de prise de vue. A cause du manque de lumière il faut monter les ISO, ouvrir tout en gardant une vitesse élevée pour figer ses géants qui se déplacent à vive allure. Je tombe de sommeil à 14:30, le froid a eu raison de moi.
Jour 5 (aujourd’hui): Le ciel est chargé, le vent souffle fort, la tempête semble reprendre. Je décide de rester au chaud et de repousser mon vol retour pour me donner plus de chances. Il parait que les conditions météos seront plus clémentes demain et dimanche. Malheureusement, on ne peut se fier aux prévisions météo qui changent d'un jour à l'autre.
Malgré ces moments de solitudes et de frustrations face à mon impossibilité de faire de bonnes images, je trouve du réconfort de mes rencontres avec ceux qui peuplent ce village du nord de la Norvège à cette période de l’année. Il semblerait que le petit monde des photographes sous-marins se soit donné rendez-vous ici. Greg Lecoeur, Tobias Friedrich, Amos Nachoum, Eric Cheng, Michael Aw, Tony Wu, Franco Banfi, Gérard Soury, Fabrice Guérin, Goran Elme, etc…
Nous sommes tous dans la même situation, à la recherche de la situation parfaite pour faire enfin une image qui se dise digne de ce nom. Les rumeurs courent, les infos se confirment… Tobias qui est ici depuis deux semaines avec un bateau privé et un groupe de photographes mais il n’a toujours pas rapporté d’images satisfaisantes. D’autres ont passé une semaine à attendre les orques pour ne les voir que le dernier jour.
Venir ici est peut-être ce que j’ai connu de plus « challenging » dans ma courte vie de photographe sous-marin, mais je compte bien persévérer et tenter l’impossible dans les jours qui viennent. Au pire, je reviendrai l’année prochaine car j’aime cet endroit, ces rencontres, le passage furtifs des orques, une nature hostile à l'état brut, le soufflement des baleines par dizaines tout autour de nous.
Voici ma très maigre moisson photographique.
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, un petit D500 l'année prochaine et à toi la montée en iso 
Superbe la 2 !
