Un temps donné, j'avais pensé intituler ce CR "Alor... J'adore". Un CR avec un titre plein de Chic et de Glamour, qui en trois mots seulement aurait amené le lecteur à se remémorer la beauté sculpturale de Charlize Theron, drapée de paillettes dorées, défilant dans un long couloir, croisant ses longues jambes et faisant choir avec un sex apeal d'enfer sa robe largement découverte dans le dos, en murmurant "Dior, j'adore". La grande classe !
A la mode d'Alor, je me suis aussitôt imaginé la bonne Marie, 10 centimètres de moins et 20 kilos de plus que la filiforme Charlize, en combinaison collante et trop mouillée, tenter le plagiat, en s’emmêlant les pinceaux pour retirer combi et bottillons, pour s’essouffler finalement dans un "Alor... j'adore" pathétique. Guère vendeur !
Alor, carton plein, finalement, c'est mieux ...
Alor est une destination qui se mérite. Quatre vols sont nécessaires pour atteindre ce bout du monde. En ce mois de novembre, Alor se dévoile le long d'une route parfois chaotique, bordée de villages. Ses maisons aux murs nus, ses jardins réservant une place pour les proches défunts, ses terres arides et assoiffées, souvent tracées de brûlis qui attendent la saison des pluies. Cette saison humide qui tarde tant à venir et alourdit l'atmosphère. Rouler ici amènent autant de sourires que de regards intrigués, de "Hello Misses" enjoués.
Vingt minutes de bateau suffisent à rejoindre l'ecoresort. ALOR Divers et ses bungalows aux toits chaumés de palmes sont installés sur l'île de Pantar, au bord d'une longue plage de sable blanc, entre un village chrétien et un village musulman. Au bout de la plage, une large salle ouverte offre un grand espace salon, très confortable, et une grande table de bois, pour réunir les clients au moment des repas, aux saveurs indonésiennes.
Alor Divers a un petit air de Murex à Bangka, avec les hordes de moustiques et les musiciens en moins, mais bien des choses en plus.
En partant plonger, le long de la côte s'enchaînent les villages. S'alternent alors les mosquées et les églises catholiques, les trios de croix sur les rochers. Tous vivent ici en bonne intelligence. Et dans les villages enserrant Alor Divers, la bonne entente pousse les uns à inviter les voisins à fêter la fin du ramadan, les autres à lancer une invitation en retour pour célébrer Noël. Autant dire qu'ils sont restés pantois et dans une incompréhension totale, lorsqu'il s'est agi de leur expliquer les événements qui venaient de frapper le cœur de Paris, drame dont nous avons été avertis lors d'un intervalle surface au goût bien amer.
"Et s'agissant des plongées ?" me direz-vous avec une impatience fébrile.
"Faut-il déjà en parler ?" vous répondrais-je du tac au tac avec un brin de hauteur.
A Alor, les à-côtés de la plongée valent déjà le détour. Largement.
Pour les bonus de la plage, il faut choisir son heure et sa saison. S'agissant de l'heure, il convient de privilégier la basse mer, quand la mer se retire suffisamment pour laisser apparaître la zone de zoostères et les premiers coraux. Là, de petites bêtes peuvent avoir loupé le coche de la marée descendante et rester dans dix centimètres d'eau. Une petite bête surtout. Blême de peur lorsque les curieux se rapprochent, il tente vainement de faire fuir les importuns à coup d'apparitions de cercles bleus électriques. Mais réussir à capter avec un fish eye le BRO local, qui ne cesse de bouger dans dix à vingt centimètres d'eau, n'est pas une mince affaire !
S'agissant de la saison, nous apprenons avec surprise que novembre est la saison des baleines. Elles sont de passage et ne restent que deux ou trois semaines. Baleine ! Un truc à nous rappeler la Réunion. Mais, non. Les baleines ici n'ont pas de bosse. Et elles sont plus grandes. Bien plus grandes. Et comme les cercles des Blue Ring Octopus.... elles sont bleues !!!
Elles nous ont honoré de passages quasi-quotidiens. Plus ou moins proches du house reef. L'une des palanquées a même suivi lentement trois d'entre elles, du site de plongée jusqu'au resort. Daniel, Allemand courageux s'est mis à l'eau, et après une centaine de mètres d'un crawl furieux s'est arrêté pour voir un géant de trente mètres passer sous ses palmes. Quatre jours plus tard, alors que nous vérifions les blocs avant de partir, deux ou trois baleines arrivent. L'un des marins me regarde et me lance "snorkelling". Aussitôt dit aussitôt fait : mais le temps de m'éloigner du bateau, les baleines sondent je n'ai que la vision fugace d'une longue, trèèèèès longue silhouette , mais quelle silhouette !!! 
Le dernier soir, des souffles nous surprennent au moment du debriefing-bintang-time. Un bruit d'enfer. Elles sont plusieurs. Terriblement proches du house reef, malgré le sprint vers la plage, la nouvelle lune ne nous permettra pas d'en voir plus. Et les plongées alors ??? D'accord ! On va en causer...
Ici, impossible d'être déçus ou lassés. Les fonds sont merveilleusement riches et colonisés. Magnifiquement préservés, par une population aussi courageuse que respectueuse et qui pratique une pêche traditionnelle. Pas de filets ou de bâtons de dynamite. Ici, la pêche se pratique au harpon ou à l'aide de nasses.
Si la richesse halieutique n'est pas comparable à celle des Raja Ampat, les hauts de récifs réservent une densité de petits poissons tropicaux incroyable. Les éponges sont variées, bien des sites offrent des couleurs contrastées grâce notamment à la présence importante des algues halimeda.
La variété des sites est aussi à souligner. Entre murs balayés par les courants, récifs hyper colonisés, sites rocailleux regorgeant de macro en croisant les doigts pour trouver des rhinopias, piscines aux murs recouverts d'anémones ... il y a de quoi faire. Avec un peu de chance, il est également possible de négocier des plongées plus éloignées d'ALOR DIVERS, au sud de l'îe de Pantar, pour des muck dives aussi riches que rafraîchissantes et des intervalles surface en compagnie d'un banc de dauphins.
A ALOR comme ailleurs, les rencontres sont toujours possibles. Sur Ruma Biru, m'éloignant du reste de la palanquée pour faire du grand angle peinarde, je me surprends à penser que c'est le jour du requin baleine. Je le sens ! J'en suis persuadée ! Et regarde à plusieurs reprises vers le bleu... jusqu'à ce que ... un requin apparaisse ! Sans point blanc cependant, mais avec de gros yeux ronds et une queue infinie. C'était en fait le jour du requin renard !!!
Sinon ???? Ah, oui ! LE site des marteaux. Mythe ou réalité ??? La question revient souvent s'agissant d'Alor Divers. Et bien .... LE site des requins marteaux n'est pas une légende. A quelques encablures du resort, avec un peu de chance, vous pourrez les trouver. Nous y sommes allé trois fois. La première fois nous étions un peu fébriles puisque trois requins marteaux ayant été aperçus la veille, et un peu plus l'avant veille (mais de loin). Et là : rien, que dalle, nada. Aussi, ai-je préféré partir les jours suivants à la chasse aux rhinopias. Nous retenterons pourtant l'expérience.
Nous serons cinq ce matin là à accompagner Ben pour cette plongée dans le bleu. Après quelques minutes à 30-35 mètres, un groupe d'une vingtaine de marteaux décrit un large cercle autour de nous. Les marteaux sont de toutes tailles. Ben et nos amis suisses tentent de les suivre un tant soit peu. Je traîne en arrière avec Eric. Un second groupe tout aussi important arrive en contre sens. Le premier revient se mêler à la ronde. Nous sommes ainsi largement entourés d'une bonne quarantaine de marteaux, qui se font de plus en plus curieux, bon nombre d'entre eux s'approchant sans crainte à moins de trois mètres des plongeurs.
Après cela comment ne pas récidiver ? Si les suisses n'ont pas eu de chance pour leur retour sur le site, tel n'a pas été notre cas. Nous avions pourtant peu d'espoir en l'absence totale de courant. Pourtant cette fois, vingt-neuf marteaux sont encore venus à notre rencontre. Merci à eux !!!!
(j'ai bien une photo souvenir.... que je tiens à la disposition des amateurs de RAW, moi, j'ai abandonné l'affaire !! )
Comme tous ,j’attends la suite . 
sous l'eau.